C'est l'histoire d'Olivia et sa famille qui s'installe dans leur nouvel appartement à Montréal, dans un monde radicalement différent suite à l'accélération de la crise climatique. Le hockey sur glace est en voie de disparition, la chaleur accablante et les feux de forêt ont changé le visage du Québec, et la politique municipale est devenue plus captivante qu'auparavant. C’était une journée comme celles qui avaient précédé. Avec une température de 35 ° et une fumée généralisée qui planait sur la métropole, Olivia allait travailler à partir de chez elle. Quoique le trajet vers son bureau ne prenait qu’une quinzaine de minutes, elle n'aimait pas sortir par temps caniculaire. Sa fille Alice avait dix ans et allait commencer sa 5e année dans deux semaines. Son asthme sévère rendait ses étés pénibles, en raison des fréquents feux de forêt dans le Bouclier canadien. Elle en avait déjà appris durant l’année précédente, des boucles de rétroaction qui ont accéléré la crise climatique pendant les années 20 et 30. L’été 2039 était en voie de devenir le deuxième plus chaud au monde, mais battait des records de toutes sortes dans l'hémisphère nord. La population montréalaise n’avait pas eu de grand répit de cette chaleur depuis la Fête nationale, lorsque de Rouyn jusqu’aux Iles de La Madeleine, le peuple assista à des spectacles de laser d’artifice. Dans la pièce à côté, Thomas continuait à défaire les boites. Contre leur gré, ils avaient récemment emménagé dans ce cinq et demi à Ahuntsic. Ils devaient presque tout racheter, puisqu’ils avaient perdu une bonne partie de leurs biens dans la tornade qui avait dévasté leur voisinage dans Outremont. La moyenne ayant été de six épisodes par année, le réchauffement a redoublé leur nombre annuel au Québec, avec des tourbillons de catégorie F2 et F3 étant de plus en plus communs. Mais c’était notamment mieux que les pays ravagés par la sècheresse ou les inondations, sans compter les villes rendues inhospitalières par la chaleur. Aujourd’hui professeur au cégep, Thomas avait servi comme conseiller municipal de 2033 à 2037, au sein de Projet Montréal. Si la métropole était une oasis de verdure et de développement durable dans ce monde en pleine crise climatique, c’était grâce à la succession de mandats que ce parti avait effectués à partir de 2017. C’était durant la pandémie du coronavirus de 2020 à 2022 que les clivages entre les camps se sont faits visibles. Alors que l’urgence climatique s’accentuait, le soutien de l'électorat envers les projets de transition écologique augmentait aussi. Sa fille Alice était en maternelle lorsque Thomas avait cosigné un règlement à la mairie d’Outremont interdisant les VUS à essence sur le territoire de l’arrondissement. L’opposition avait férocement essayé d’avoir recours aux tribunaux. Grâce à une nouvelle loi, les poursuites en réaction à une transition écologique par une municipalité ne sont que rarement acceptées par la justice, depuis 2035. Malgré le dénouement de cette histoire, leur maison s’était fait saccager à quelques reprises par des vandales venus expressément de la couronne nord pour manifester leur mécontentement. Tout cela est bénin comparativement à ce qui arriva en lien avec la tarification des routes. Longtemps avant l’incendie criminel à l’hôtel de ville, avant la vague de défusions et les émeutes à Saint-Léonard, un péage pour entrer au centre-ville fut d’abord instauré. Le montant à payer était tout sauf dérisoire. Malgré cela, les manifestants des quatre coins de l’ile se donnaient rendez-vous tous les samedis, exprimant leur colère en brandissant des pancartes avec des slogans complotistes, ou en résonnant les klaxons de leurs voitures sur le boulevard René-Lévesque. Cependant, Montréal était bien déterminée à suivre la tendance mondiale lancée par Singapore au 20e siècle. L’hésitation par le gouvernement du Québec de remettre le péage sur les autoroutes inspira les villes à prendre le relai. Il restait beaucoup de véhicules thermiques sur les routes, malgré l’interdiction d’en vendre depuis 2035. Les intéressés contournaient l'esprit de la loi en les faisant venir de New York. Mais une voiture électrique s'empare d'autant d'espace sur la chaussée qu’un modèle à l’essence, et il était donc souhaitable à travers le monde municipal de mettre un frein à leur utilisation. Les projets de rues piétonnes, pistes cyclables et transport en commun obtenaient de plus en plus un consensus, tandis que le péage était considéré comme un grand risque en politique. L’autonomie donnée par Québec aux instances locales a tout de même permis de rendre payant le passage sur la plupart des ponts par-dessus le Saint-Laurent et sur quelques tronçons d’autoroute en contexte urbain. Cependant, le plan annoncé par l’administration de la mairie de Montréal durant le mandat de Thomas avait attisé les foules. Ceux et celles ayant vécu les émeutes linguistiques à Saint-Léonard en 1969 ont eu l'impression d'un déjà-vu lorsqu'un soulèvement populaire fut déclenché. Cette fois-ci, l’enjeu était la proposition d'étendre le péage urbain pour couvrir la plupart des quartiers centraux. Mais lorsque l’ancien maire léonardois avait comparé celui de Montréal à Mussolini, cela a fait exacerber les tensions. Des contremanifestants se sont vite ajoutés à la scène, demandant que davantage soit fait pour protéger la planète, et pour que le Québec accueille plus de réfugiés climatiques. C’était par une soirée d’automne qu’un groupe de 35 personnes mené par François Casimir, connu par la police pour avoir souvent manifesté contre les mesures climatiques devant les écoles secondaires, était entré à l’hôtel de ville avec l’intention d’y mettre le feu. Les dégâts furent limités, mais c’est à la suite de ce malheureux évènement que les rassemblements anticlimat furent pratiquement interdites. « Olivia! cria Thomas à partir du salon. Où aimerais-tu que j'entrepose nos patins? » « Ha! Autant s'en débarrasser! répliqua-t-elle. Tu te souviens, toi, de la dernière fois qu’on a pu aller patiner à l’extérieur comme le faisaient nos parents? » La petite Alice avait déjà été patiner à l’Atrium Carey Price au 1000 de la Gauchetière Ouest, mais comme la plupart de ses camarades de classe, elle semblait préférer le hockey en patins à roulettes. Qui l’aurait cru, d’ailleurs, que le rolleur allait devenir à la mode au Québec et supplanter le patinage sur glace! La famille allait justement assister à un rolleur derby ce soir au Centre Bell. Mais Alice manquera bien plus que les sports d'hiver dans sa vie. De nouvelles restrictions imposées par Transport Canada rendirent les périples à l'étranger moins attrayants. D’abord, un crédit d’impôt fut offert à chaque Canadien ne prenant pas l’avion durant une année complète. Puisque ce n’était pas assez pour décourager les voyages non essentiels, des frais sont venus s’ajouter en fonction du revenu et du nombre de déplacements en avion effectués. Par exemple, au troisième vol de l’année, la surcharge climatique qu'un citoyen de la classe moyenne devait payer était déjà de 94 $. Le gouvernement pensait aussi à décréter une limite de vols par personne, tout en donnant des exceptions pour certaines catégories de voyageurs. « Papa, est-ce qu’on peut aller à la rôtisserie ce soir avant le derby? », demanda Alice. « Hmm, on va devoir y penser. Tu sais que maman et moi on n’aime pas vraiment manger de la viande trop souvent. Peut-être la veille de la rentrée scolaire? » « C’est pas juste! Quand toi t’étais jeune, tu bouffais du poulet presque tous les jours! » « Et maintenant, on est pris avec les conséquences de nos actions. », répliqua rapidement sa mère. Une chose était certaine. La cuisine végétarienne avait le vent dans les voiles depuis une décennie. Beaucoup d’autres aspects de la vie quotidienne avaient évolué depuis la COVID-19, et pas que dans la métropole. Que ça soit les manifestations monstres lorsque la CAQ avait proposé de construire une centrale au biogaz à Cowansville, ou bien le retour de Greta Thunberg à Montréal en 2029, il était difficile de nier que la volonté du changement se faisait de plus en plus sentir. Malgré cela, les gens mangeaient toujours du bœuf en grande quantité, prenaient l’avion pour des voyages d’affaires inutiles, et conduisaient des pickups en contexte urbain. Le clivage entre la ville et la région se faisait remarquer, en dépit des écoquartiers flambant neufs de Victoriaville, le transport en commun régional graduellement plus existant, la reprise du train en Estrie, et la stricte interdiction de bâtir sur les terres agricoles partout au Québec. Le téléphone sonna. Olivia avait un appareil transparent, de dernier cri. Sa sœur, à l’autre bout du fil, lui parla en larmes à partir de Kamloops en Colombie-Britannique. Depuis mai, un feu immense faisait ravage à proximité, dans le parc provincial Tunkwa. Elle venait d’apprendre qu’elle ne pourra pas réintégrer sa maison puisque les flammes se sont engouffrées dans son quartier de banlieue. Elle était dans un hébergement temporaire depuis une dizaine de jours, lorsque l’alerte était lancée pour le sud de Kamloops. « Laisse-moi te procurer un billet d’avion. À quelle heure pourrais-tu être à l'aéroport? », lui demanda Olivia. « Y'est fermé depuis deux semaines à cause de la fumée intense. », lui répondit Marie-Hélène. « Dans ce cas, je t’achète un billet de train. Tu le prendras demain soir, puis je viendrai te chercher à la gare Centrale à ton arrivée. Tu auras le temps pour penser si tu veux t’établir ici à Montréal. On a l’air clim, et tu n’auras pas à te soucier des feux de forêt, sauf la fumée bien sûr. » Marie-Hélène était chanceuse, car elle pouvait se permettre de plier bagage et aller, ou dans son cas retourner, dans une région plus habitable. Ce n’était pas la circonstance pour tous les réfugiés climatiques. À la suite de l’appel, Alice dit à ses parents qu’elle allait jouer dans le parc avec ses amis. « Fais attention aux serpents, ma cocotte! », lui lança son père. « Je sais! Puis c’est pas à Montréal qu’il y a des serpents venimeux anyway! » « Je te rappelle qu’on était à Saint-Jean-sur-Richelieu l’été passé quand tu as failli mourir à cause d’une morsure par un crotale des bois. », lui répliqua sa mère. Cette espèce dont son territoire s’étendait jusqu’aux portes de Plattsburgh il y a 20 ans, avait effectivement migré vers des climats plus tempérés. Les morsures étaient toujours rares, mais un homme de Lacolle décéda il y a deux semaines après avoir été mordu dans son propre lit. Thomas jeta un regard sur son téléphone. Le recomptage du référendum de dimanche passé était enfin achevé. Saint-Léonard, après Anjou, devenait à présent le deuxième arrondissement à se séparer de la ville-centre, dans le but de se soustraire aux obligations environnementales dont leurs populations ne voulaient pas être soumises. « Non mais, quelles sangsues! » Le scénario a été imaginé en s'inspirant des prévisions des prochaines décennies. En 2039, il est presque certain que nous aurons dépassé le 1,5 ° de réchauffement.
L'image d'Ottawa-Gatineau sous un ciel rouge orange a été générée sur Ce climat n'existe pas. Si vous avez aimer cette nouvelle, vous apprécierez certainement cet article de presse relatant l'éruption imminente du Mont Royal, une colline qui dans notre scénario fictif, est bel et bien un volcan actif.
2 Commentaires
René Lemieux
10/18/2021 21:46:14
À quand la suite?
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10/20/2021 14:16:21
Salut René! Je te souhaite beaucoup de patience avec le bruit incessant des chantiers dans ton quartier! C'est vrai que le résultat en terme de mobilité durable sera de 5 étoiles!
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